« Dimanche de l'Orthodoxie " Homélie du père Jean Gueit pour le Dimanche de l’Orthodoxie (8 mars 2020) à l’Eglise de la Dormition à Marseille Au nom du Père, et du fils et du Saint-Esprit, Mes pères, chers frères et sœurs, nous sommes réunis ici aujourd'hui à nouveau parce que nous célébrons ce que l'Eglise a appelé le « dimanche de l'orthodoxie », parfois même on ajoute le triomphe de l’orthodoxie ; ce qui n'est pas sans poser sans doute quelques problèmes. Dans un langage courant, de quel triomphe peut-il s'agir ? Historiquement il s'agit du triomphe de l'affirmation de la vraie foi ,et plus particulièrement la vraie foi qui pose l'affirmation de ce que notre Dieu, le Christ est venu dans le monde ; c'est Dieu qui est venu dans le monde ; Dieu s’est fait homme ; c’est ce que nous appelons en langage théologique la "divino humanité". Cette affirmation de la divino humanité du Christ est unique dans l'histoire de l'humanité, de toutes les religions ; on n’y pense pas suffisamment… …...Aucune autre
religion ne repose sur une personne dont la religion elle-même dit qu'il est
Dieu. Je veux parler de Mahomet, je veux parler même de Moïse, je ne parle pas
évidemment de Bouddha ou d'autres… Les
chrétiens sont les seuls, nous sommes les seuls à croire en un Dieu qui s'est
fait totalement homme.
C'est une difficulté, une difficulté qui a mis des siècles à s'affirmer et plus
particulièrement jusqu'au 8e siècle lorsque très précisément l'Eglise a affirmé
cette vérité, et c'est cette vérité que nous célébrons aujourd'hui à travers la
vénération des icônes. Mais si l’icône a été possible, je dirais même si elle a
été nécessaire, c'est pour nous rappeler et nous affirmer que Dieu s'est fait
homme, visage. Il n'a pas pris ce visage par magie, Il est venu nous dire que
notre visage est à son image ce qui nous renvoie évidemment au récit de la Genèse,
à la création. Avons-nous
en mémoire ces versets ? C'est « inconfortant », c'est choquant.
Nous positivons toujours en affirmant
que nous proclamons la bonne nouvelle, ce qui est juste ; quelle bonne
nouvelle ? Que le Christ est ressuscité ! Mais cette bonne nouvelle est en réalité une
violence pour le monde et c'est pourquoi « nous sommes dans le monde mais
pas de ce monde » et c’est pourquoi le Seigneur nous prévient « je
suis venu apporter le glaive…pas la paix ». Incroyable ! Toute la liturgie nous proclamons « Paix
à tous » « Que la paix soit
avec vous » . Oui, que la paix soit avec nous, en nous, pour que nous
puissions être fermes dans notre foi orthodoxe et que nous soyons unis dans
cette foi ; alors nous pourrons la proclamer au monde, et le monde croira,
mais ce n'est pas simple. Et c'est pour cette raison que nous subissons
nous-mêmes, nous vivons des tensions et des violences, des divisions et des
schismes car le glaive que le Seigneur est venu apporter est celui qui tranche
entre ceux qui croient en Dieu, qui croient dans le Christ, Dieu fait homme et
ceux qui n'y croient pas ; c'est une chose. Mais il y en a une autre : la division entre tous ceux qui y croient. Nous croyons et pourtant nous nous
opposons ; et pourquoi nous nous opposons, nous nous divisons ? Parce
que le fait que Dieu soit devenu homme, encore une fois est une difficulté, la
difficulté de cette dualité qui nous conduit à vouloir peut-être trop humaniser
le Christ, à vouloir se l'approprier, le « privatiser », le « nationaliser » ;
c’est mon, c’est notre Jésus qui est le bon, c'est celui de Jérusalem et pas de
celui de Nazareth comme vient de le suggérer Nathanael. Et nous savons bien que
pour les uns le Christ est grec, pour les autres il est russe, pour les autres il
est roumain…, mais il est aussi éventuellement, heureusement, de Jérusalem. Frères et Sœurs,
À l'instant même où cette lettre est envoyée, inquiétude et désarroi nous atteignent face aux menaces de guerre (Ukraine ; Irak,Syrie…) mais aussi aux souffrances de l’Eglise et en particulier de notre Archevêché. Dans tous les cas, la situation telle qu'elle se présente aujourd'hui nous interpelle en qualité de chrétiens qui sont appelés à entrer dans le temps du carême, la quarantaine. Le « carême pourquoi faire » ou « pour qui », pourrait-on aisément poser la question dans le style culturel contemporain. En ajoutant éventuellement le « carême c'est quoi » . Question en définitive tout à fait légitime aujourd'hui dans notre société, tant la distance est devenue grande entre l'esprit qui semble présider au fonctionnement de ladite société dont nous sommes tous membres (celui de l'arrogance et de l'argent) et l'esprit de l'Evangile, le "souffle de la bonne nouvelle". Ascèse, jeûne ont eu et ont toujours leur place dans la vie personnelle comme discipline de renoncement pour laisser plus de place à notre Seigneur dans notre âme. Ils peuvent aujourd'hui s'inscrire aussi dans la perspective d'une solidarité communautaire, ecclésiale, celle du partage qui implique générosité et accueil. Ils peuvent être les supports de notre foi qui a besoin d'être simultanément ferme et miséricordieuse. En fait, la « juste foi », la foi orthodoxe n'est pas celle des identités closes et de l'exclusion arrogante, mais celle de la bienveillance. Dans notre contexte marseillais, français, occidental, quelles que soient nos origines et nos parcours, nécessairement divers et personnels – les uns des « passeurs », les autres des « héritiers », nous avons une destinée et une vocation communes : celle d'être les porteurs de la croix du baptême. Cette croix, que nous allons particulièrement vénérer le troisième dimanche du grand carême, ne peut être que celle de l'humilité et du pardon, fondements, entre autres, de la paix. Car sur cette croix, le Seigneur Dieu, l'Homme-Dieu a accepté d'être crucifié pour crucifier le péché du monde. Et c’est pourquoi, sur cette croix du Golgotha, avant que de « remettre son esprit entre les mains du Père » il pria : « Père, pardonne leur, car ils ne savent pas ce qu'ils font » (Luc XXIII-34). p. P.Jean Bulletin N°2 du 1er mars au 5 avril 2015 Ainsi le 8 septembre a été établie la célébration de la Nativité de la Mère de Dieu. Cet évènement rappelle que le salut du genre humain a été possible grâce à l’acceptation et la réception par Marie, la toute pure, -au nom du genre humain- de Celui qui contient toute la Création et qui par la Croix-Résurrection a vaincu la tyrannie du « prince de ce monde ». Ainsi le 14 septembre nous célébrons l’Exaltation de la Sainte et Vivifiante Croix, - « trophée invincible de la piété, porte du paradis, réconfort des croyants, rempart de l’Eglise ». Par la Croix, le salut est venu à l’univers (création) entier ; en ayant les yeux fixés sur la Croix, nous participons à ce salut. Placée en début d’année liturgique, l’Exaltation de la Croix fait écho à la célébration, 40 jours avant, de la Transfiguration de Notre Seigneur Jésus Christ, sur le mont Thabor et qui avec la célébration de la Dormition de la Mère de Dieu, clôt (parachève) cette même année liturgique. Comme le suggère la tradition et l’hymnographie, la Transfiguration, Théophanie totale, « autant que les disciples (c’est-à-dire l’homme) pouvaient la supporter » a été manifestée, en fait révélée, pour éclairer, aider à donner un sens ultime à la Croix – « symbole » apparent de toute mort-souffrance absurde et révoltante. Inversement l’Exaltation de la Croix, l’Elévation de la Croix nous aide à accueillir la Révélation du Thabor, le Christ en gloire ici même. Ainsi, le 1er septembre, à l’initiative du patriarche Bartholoméos, l’Eglise est appelée à prier non seulement pour que l’humanité soit préservée des catastrophes naturelles , mais aussi pour que la nature –c’est-à-dire la Création- soit préservée des calamités d’origine humaine. L’affirmation de la Création (je crois en un seul Dieu….créateur de toutes choses visibles et invisibles) évidente culturellement jusqu’à une époque récente redevient nécessaire pour elle-même ,face aux hypothèses d’autres origines de l’existence, et pour rappeler à l’homme que la création ne lui appartient pas mais qu’il est intimement lié à elle et ne peut se sauver sans elle. La contemplation de la Croix vivifiante ainsi que de la lumière thaborique nous rappelle que nous sommes toujours corresponsables de la Création « qui n’est pas achevée » et que nous participons à son salut. L’Eglise, corps du Christ est le cœur de la vie cosmique. En célébrant l’Eucharistie, nous actualisons la Transfiguration du Christ et célébrons « pour la vie du monde » en oeuvrant à sa transfiguration. Père Jean |