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Le don du Saint Esprit

(P Cyrille Argenti)

 

Le Christ ressuscité renouvelle, le jour de son Ascension, la promesse qu’Il avait faite le soir du Jeudi saint : « Restez à Jérusalem, jusqu’à ce que vous receviez la force qui vous viendra d’en haut. Il convient que Je m’en aille, car si Je ne partais pas, vous ne recevriez pas l’autre Consolateur. Mais lorsque Je serai parti, Je vous enverrai d’auprès du Père le Consolateur qui procède du Père. »1

 

Le don de la Loi

La Pentecôte se dit en hébreu Shavouot, ce qui veut dire la fête des semaines : sept semaines, c’est-à-dire quarante-neuf jours, séparaient la Pâque juive, la sortie d’Égypte, de la remise de la Loi à Moïse, au Sinaï. C’est donc la fête du cinquantième jour, en grec Pentikosti. La Pentecôte est une fête juive qui célèbre le jour où Dieu a donné à Moïse la Loi. Ce n’est pas par hasard que Dieu choisit précisément ce jour pour donner à son peuple son Esprit. Nous passons ainsi du règne de la Loi à celui de l’Esprit.

Or le premier événement – la sortie d’Égypte, la libération du peuple juif de la tyrannie de Pharaon grâce au sang de l’agneau répandu sur le linteau des portes et grâce à l’intervention de Dieu faisant reculer la mer Rouge – était fêtée par les juifs le jour de la Pâque. Ce n’est pas une coïncidence si justement la mort et la Résurrection du Christ se situent au moment où les juifs fêtent la libération de la tyrannie du Pharaon. Désormais, par le sang de l’Agneau qu’est le Christ, le genre humain tout entier est libéré de la tyrannie du péché. La Pâque chrétienne est l’accomplissement, l’épanouissement de la Pâque juive, sans laquelle l’on ne peut comprendre le sens de notre Pâque.

Le prophète Jérémie nous donne la clef de la Pentecôte chrétienne. Dieu disait par la bouche du prophète : « Je conclurai avec mon peuple une nouvelle alliance où la Loi sera inscrite dans leur cœur »2. La Loi donnée par Dieu à Moïse, qui est toujours valable, vient de l’extérieur. Cependant, à partir du jour de la Pentecôte, cette Loi ne viendra désormais plus seulement de l’extérieur, mais sera inscrite dans les cœurs, elle sera voulue et désirée. Elle ne sera plus imposée comme une loi, mais désirée comme un objet d’amour. Le Saint Esprit descendant sur l’Église inscrit la Loi dans le cœur de l’homme qui, désormais, non seulement la désirera, mais aura la force de la réaliser. L’ancienne Loi, en effet, nous indiquait ce qui était bien et ce qui était mal, mais ne nous donnait pas la force de faire le bien. Saint Paul remarque même, dans l’épître aux Galates, que l’ancienne Loi soulignait finalement notre péché en nous montrant que nous ne faisions pas ce que nous devions faire, en rendant l’homme conscient de sa culpabilité3.

La Loi – saint Paul nous le rappelle – a servi de pédagogue à l’esprit humain4. Si vous avez un enfant, vous commencerez par lui dire : « Fais ceci, ne fais pas cela », vous lui donnerez des ordres précis : « Ceci est permis, cela est interdit, c’est la loi ». Voilà quel était le règne de la Loi. Cependant, le règne de l’Esprit va au-delà. L’Esprit, Lui, change le cœur et lorsque le cœur est changé, on n’a plus besoin de la Loi. Si vous aimez quelqu’un, on n’a plus besoin de vous dire : « Ne le tue pas, ne le vole pas, ne lui mens pas, ne le trompe pas ». C’est pourquoi, dès l’instant où l’Esprit pénètre dans le cœur des disciples, ces derniers observent la Loi sans le savoir, elle est dans leur cœur.

Les hommes avaient montré qu’ils n’étaient pas capables d’observer la Loi, ils vivaient sous la crainte d’une sanction en réponse à leur transgression. Désormais, nous ne vivons plus sous la crainte, mais sous la grâce. En donnant son Esprit, en changeant notre cœur, Dieu nous libère de la peur de la sanction de la Loi. On passe du règne de la Loi au règne de la grâce, au règne de l’amour. Dieu a eu une méthode pour l’enfance de l’humanité et quand les temps étaient mûrs, quand Il a jugé que sa pédagogie par la Loi permettait de franchir le pas suivant, alors Il a envoyé son Fils, qui, Lui, a envoyé son Esprit. C’est la Pentecôte.

 

Malheureusement, on présente souvent l’Évangile comme une obéissance à une loi dont on a peur et cette caricature a fait beaucoup de mal. Elle est sans doute due à l’oubli de la présence du Saint Esprit, et non seulement à l’oubli de sa présence mais à son absence : lorsque l’Esprit n’est pas là, alors la loi est absolument nécessaire. Elle cesse d’être nécessaire lorsqu’on la dépasse parce que le cœur a changé. On peut alors oublier la Loi car on a l’Esprit dans son cœur et on aime. Le jour de la Pentecôte, l’homme devient capable, non par ses propres forces, mais par l’aide de Dieu, par l’action du Saint Esprit Lui-même, de réaliser la Loi, de l’accomplir par son propre désir. Il aime faire le bien, il veut le faire parce que Dieu habite en lui.

 

L’attente joyeuse du Consolateur

Les premiers chrétiens avaient découvert, par la Résurrection du Christ, que Jésus était Dieu. C’est le grand cri de Thomas, huit jour après la Résurrection :

« Mon Seigneur et mon Dieu ! »5 En rencontrant le Ressuscité, les chrétiens font donc une première expérience de la rencontre avec Dieu, mais qui leur demeure extérieure. Thomas voit le Seigneur Jésus ressuscité face à lui et Le touche. Cependant, le jour de l’Ascension, ces mêmes disciples sont privés de la présence visible du Christ remonté au ciel.

Lorsque le Seigneur quitte ses disciples pour remonter auprès de son Père, ils n’éprouvent – cela est surprenant – ni tristesse ni désarroi. Ils ont perdu leur chef visible, leur guide, Celui qui chaque jour leur parlait du Père et leur indiquait sa volonté, leur enseignait concrètement tout ce qu’ils devaient faire pour rejoindre le Royaume des cieux. Pourtant, le jour même de l’Ascension, lorsque le Seigneur Jésus les quitte, ils sont dans la joie. Dans les Actes des apôtres, on nous dit qu’ils partent de Béthanie en chantant des hymnes de joie et de louange. C’est qu’en effet ils vont vivre pendant dix jours dans la ferme espérance de la promesse que le Seigneur Jésus vient de leur faire : « Restez dans la ville, jusqu’à ce que vous soyez revêtus de la puissance d’en haut. »6 Ils vont rencontrer l’autre Consolateur, dont la présence si précieuse et désirée leur avait été annoncée par le Seigneur : « Il convient que Je m’en aille car si Je ne m’en allais pas, vous ne trouveriez pas l’autre Consolateur. »7

Et dix jours plus tard, ils accueillent effectivement l’autre Consolateur, qui restera avec eux pour toujours, « l’Esprit de Vérité qui procède du Père », que le Christ leur avait envoyé « d’auprès du Père » et qui va les faire accéder à la « Vérité toute entière »8, comme le dit le Christ Lui-même, et leur communiquer tout ce qu’Il reçoit du Christ. Il demeure auprès d’eux. Il est en eux, aussi la joie du Christ est en eux et cette joie est « parfaite ». Voilà maintenant qu’ils vont à nouveau rencontrer Dieu, non plus du dehors, en la Personne du Fils, mais dans l’intimité du cœur et de la conscience, en la Personne du Saint Esprit.

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